Partageons mieux
- dutheilanne
- 4 juin
- 2 min de lecture
« Votre expérience était très intéressante, merci de nous l’avoir partagée. » « Cette information, je me souviens de te l’avoir déjà partagée le mois dernier »… entend-on parfois à la radio ou dans un échange entre collègues.
Faisons le point sur la construction de ce précieux et chaleureux verbe partager !
C’est un verbe transitif direct, ce qui signifie qu’il peut avoir un complément d’objet direct, sans emploi de préposition : partager un gâteau, partager son temps, partager un butin, etc. Et pourquoi pas : partager une information.
En revanche, sa construction en présence d’un deuxième complément – d’objet second, d'objet indirect, d'attribution… éternelles discussions des grammairiens pour classer les compléments… – ne peut faire intervenir la préposition « à » ; c’est « avec » qu’il convient d’employer.
On ne dit pas : « Le pirate partagea son butin à son comparse », ni : « Merci de nous avoir partagé votre intéressante expérience », mais : « Le pirate partagea le butin avec son comparse » et : « Merci d’avoir partagé avec nous votre intéressante expérience. »
Et : « Cette information, je me souviens de l’avoir déjà partagée avec toi le mois dernier. »
On partage quelque chose avec quelqu’un, donc, et non à quelqu’un.
Cette erreur de plus en plus fréquente semble être née avec les réseaux sociaux, les médias en ligne et leurs fonctionnalités de « partage ». Le contenu informationnel (riche ou pauvre, délirant ou pertinent) ne s’est sans doute jamais autant partagé. Souvenons-nous que nous pouvons : le partager entre nous, le partager avec nos amis, nos proches, mais pas « le leur partager ».
En revanche, on dit très bien : partager l’émotion de quelqu’un, partager son point de vue, etc.
Il peut sembler que mon amour pour les féeriques voyages en chemin de fer aurait dû m’empêcher de partager l’émerveillement d’Albertine devant l’automobile qui mène, même un malade, là où il veut, et empêche – comme je l’avais fait jusqu’ici – de considérer l’emplacement comme la marque individuelle, l’essence sans succédané des beautés inamovibles.
(Marcel Proust, À la recherche du temps perdu, La Prisonnière.)
À noter que ce verbe peut parfaitement être employé sans complément : « La fourmi de La Fontaine est égoïste ; elle n’aime pas partager. »
Il peut également être employé avec la préposition en :
« Partager un gâteau en huit parts égales. »
Dans un emploi pronominal, on rencontre « se partager » sans préposition : « Nous allons nous partager le travail. » Mais il signifie alors : prendre part à une tâche commune ou répartir un bien quelconque entre plusieurs personnes. « Ils se sont partagé le butin. »
… Je suis heureuse d’avoir partagé avec vous ce bref moment de réflexion sur le verbe « partager » !







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